Tu dis tellement

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Tu dis « c’est beaucoup », tu dis « c’est déjà bien », tu dis « contente-toi de ce que tu as plutôt que de désirer ce que tu n’as pas », tu dis bien, tu dis beau, tu dis raisonnable, tu dis vivable, tu dis comme un sage, tu dis façon Boudha que tu crois connaître, que tu ne connais pas et tu ignores « Aussi longtemps que l’homme aime une femme, fut-ce la moindre d’entre elles, il est réduit en esclavage, comme le jeune veau qui tète sa mère » et tu passeras sous silence, aussi, toutes les conneries qu’a pu dire le Dalaï Lama parce que ça ne se fait pas de taper sur une icône… De toutes façons tu ne les connais même pas…
Dans tes toilettes, t’as un joli livre de citations avec de très jolies images…
Tu dis c’est beaucoup, tu dis c’est déjà bien, tu dis qu’aujourd’hui est le premier jour du reste de ma vie, tu me le dis si souvent que j’accumule les premiers jours jusqu’à désespérer du second – arrivera-t-il enfin ?- mais tu continues, tu as réponse à tout, tu dis Laooooo Tseueueueueue « Aimez le monde comme vous-même. Alors seulement, vous pourrez vous occuper de tout le reste » tu dis Kierkegaard avec délectation, tu pourrais répéter son nom en boucle rien que pour le plaisir de l’avoir en bouche « Oser, c’est perdre pied momentanément. Ne pas oser, c’est se perdre soi-même » Sooooooren Kiekegaaaaaaaaarrrddddddd…
Tu dis tellement…
Tu insistes sur le silence, juste après tes sentences, tu penses que ça donne un air profond à tout ce que tu dis.
Tu dis bien, tu dis beau, tu dis raisonnable, tu dis vivable…
Tu dis tellement que j’ai envie de te les faire bouffer tes citations, j’ai envie de t’étouffer avec tes phrases toutes faites et ta philosophie à deux balles, tu dis c’est beaucoup, tu dis c’est déjà bien, tu dis penses à ceux qui ont faim, pense à ceux qui sont malheureux et vois comme tu es heureux avec ce que tu as…
Tu dis tellement…
Tu suis les flèches, tu appliques les recettes, mais ça ne suffit pas, faut aussi que tu les donnes, c’est tellement beau le partage et tu voudrais qu’on te remercie de savoir piller un dictionnaire de citations…
Tu m’emmerdes à vouloir que j’aille mieux, tu m’emmerdes à vouloir m’expliquer la vie, tu m’emmerdes avec ta tendresse dégoulinante et ta compassion puante.

Tu m’emmerdes à vouloir que je sois comme toi.

Je ne sais plus comment te parler…

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« Je m’appelle Emilienne mais je préfère qu’on m’appelle Emilie. Je suis veuve, je joue du piano, je ne parle pas. »

Elle est assise devant la porte, je ne sais pas depuis combien de temps elle est là, elle me regarde arriver, sans rien dire. Je tends la main, je ne sais pas si je dois la prendre dans mes bras mais les siens m’ont déjà entourée. Elle se recule pour me regarder encore. C’est moi. Bien sûr c’est moi même si c’est elle…

Dans la lettre qu’elle m’écrit, Emilienne parle de Lucien, elle dit « mon Lucien », elle dit que depuis qu’il est mort elle n’a pas dit un mot. Elle écrit : Le silence c’est la marque, brûlante, bruyante en creux, de son absence. Faire silence c’est l’avoir pour toujours en moi.

Je parle, je ne sais pas quoi dire, je dis bonjour, je dis joli jardin, je dis mes mots idiots pour décorer la conversation je ne sais pas quels mots il faut dire, ni vous ni tu je ne sais plus comment parler…

Elle me fait signe d’entrer.

Je la suis.

Emilienne m’écrit que dans sa tête, il y a sa voix à lui, Lucien, elle m’explique que lorsqu’on retourne dans un lieu où l’on a vécu autrefois et que ce lieu a changé, on remplace ses souvenirs par de nouveaux. Elle ne veut aucun autre souvenir. Aucun. Elle termine sa lettre en précisant qu’elle n’accepte de me rencontrer qu’à la seule condition que je respecte son silence.

Une grande pièce, lumineuse, un piano au milieu, c’est curieux un piano au milieu d’une pièce, on dirait qu’elle a construit sa maison autour de ce piano…

Elle prépare le café dans une de ces cafetières italiennes qu’on ne trouve plus que dans les vides-greniers, elle a des gestes gracieux et mesurés, la tasse dans ses mains, un trésor précieux, on dirait.

Je lui parle de moi, j’attends toujours qu’elle parle même si elle m’a écrit qu’elle ne disait plus un mot. Elle va parler, pour moi. Pour nous ?

Peut-être qu’elle s’est inventé une vie avec tant de détails qu’elle a fini par y croire, se peut-il que sa vie rêvée ait été plus belle que celle qu’elle me cache ? Emilie, elle s’appelle Emilie, j’ai vérifié l’acte de naissance, elle n’est pas veuve, elle n’a jamais été mariée. Est-ce que Lucien a existé ? Existe-t-il encore ? Je l’ignore. Pas de photos dans la maison, pas de tableaux, des murs blancs comme ses silences…

Mais c’est moi qui parle et j’aligne les mots, je parle pour deux comme s’il fallait absolument combler le silence.

Elle écoute mais elle ne parle pas.

Elle se lève soudain.

Mes mains sur le piano ce sont les siennes pourtant.

Je ne sais pas ce qu’elle joue mais ça fait pleurer, je ne sais pas pourquoi ça fait pleurer… je suppose qu’elle raconte son histoire, à sa manière mais c’est mon histoire aussi…

Elle s’arrête.

J’ai besoin de mots, besoin de comprendre, besoin de retrouver le chemin qui me ramènera à elle.

Elle ne répond plus à mes lettres.

Elle envoie quelques bouteilles à la mer, la nuit…

Elle me montre la porte du regard.

Le café est bu, l’histoire est racontée.

Il me manque des mots, pourtant, il me manque de la vie, il me manque du sens, il me manque mon histoire, celle qui me reconstruit, à rebours.

Elle me montre la porte du regard.

Je me lève, elle ne me raccompagne pas, elle reste assise le regard fixé sur cette porte et je sais qu’elle regarde toujours la porte quand je la referme doucement…

J’ai rêvé toute ma vie cette sœur, on se serait raconté nos petites histoires, on aurait pouffé au coin du feu, on se serait gavées de chocolat et on aurait tiré longuement sur nos cigarettes en ricanant, en maudissant les hommes ou la vie…

Je ne sais plus comment te parler, Emilie, je ne sais même plus comment t’entendre…

Je n’ai pas rêvé le silence, je n’ai pas rêvé la folie, je n’ai pas rêvé

Emilie, ma sœur.

Je ne me souviens plus de l’été

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C’est un pavillon qui ressemble presque trait pour trait à celui qui est sur sa gauche, à celui qui se trouve sur sa droite aussi. De la rue, j’aperçois le jardin, à l’abandon d’hiver, la façade teintée de bleu, les cyprès aussi qui font la fête au vent… et une lumière à l’étage, derrière la grande fenêtre aux volets non tirés.

Derrière la grande fenêtre aux volets non tirés je vois le lit, à l’intérieur, je vois le grand lit et ces deux têtes d’enfants qui dépassent de la couette chaude.

C’est le premier jour de décembre, il fait grand froid, je ne me souviens plus de l’été ici juste le vent glacial, c’est peut-être pour cela que mon coeur se serre encore plus fort je me mens si facilement c’est la faute du vent bien sûr c’est la faute du vent…

Le petit garçon regarde un écran placé devant lui, il sourit par moments, la petite fille regarde le petit garçon et sourit de ses sourires.

Je suis dans la rue à les regarder et je lutte contre l’envie impérieuse de jeter des petits cailloux contre leur fenêtre.  Qu’ils me regardent, qu’ils me sourient, qu’ils ouvrent leurs bras grand grand grand…

Il fait grand froid et je reste longtemps à les regarder, trop longtemps sans doute. Une porte s’ouvre un peu plus loin et quelqu’un m’observe, quelqu’un se demande pourquoi je suis là, quelqu’un se demande ce que je fais là, quelqu’un se demande si je ne suis pas une menace…

Je les fixe une dernière fois à m’en faire cramer les yeux et je m’en vais, vite, vite à courir dans la rue, vite à fuir sans savoir vraiment où aller avec l’impression tenace d’avoir un gros caillou tout dur à la place du coeur…

Comment sauront-ils retrouver le chemin de ma maison si je n’ai plus de petits cailloux pour marquer la route ? Il est où le chemin qui menait  jadis au coeur de ma chair, il est où le chemin de mon coeur ?

Je les regarde une dernière fois à imprimer le présent au fond de ma rétine, à graver dans chacune de mes cellules une maison dans mon corps, une maison dans laquelle mes enfants peuvent continuer à vivre, à l’intérieur de moi, tout près, tout contre.

Les enfants ne se partagent pas.

La vraie vie est tailleur

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La vraie vie est tailleur, à raccommoder plaies. Tu cherches le fil, un début une fin, peut-être simple ficelle… On attache la ficelle à une poignée de porte, on claque la porte, la dent tombe : c’est pas plus sorcier.

La nuit, je serre l’enfant contre moi, espérant le préserver d’une bronchite, d’une angine, du grand froid qui se love autour des petits cœurs, la nuit, quand je baisse la garde…

La vraie vie est tailleur, à rapiécer âmes. Tu cherches le fil, un début une fin, et tu cherches encore quand le fil est au soumis aux erreurs, aux désirs, aux destinations, au hasard de mains qui réchauffent, toujours.

Cela ne sert à rien, évidemment, un jour où l’autre l’enfant finit par tomber malade, quand il fait froid il fait froid, c’est tout.

La vraie vie est tailleur, à découper rêves. Tu crois trouver le fil, parfois, tu regardes les nœuds, la surface, les creux les bosses, tu tâtes la texture et tu restes là, interdit, à tenter de démêler le vrai de la faux.

Et le jour, Arthur, je pense à ta vraie vie et je jure, et je peste et je gueule que c’est même pas vrai, même pas vrai, même pas vrai… Parce que si la vraie vie est ailleurs elle ne peut être ici, où nous sommes, vivants malgré tout.

La vraie vie est tailleur, à filer en douce. Tu crois trouver le fil, enfin, tu croises et décroises, le fil, tu couds et découds jusqu’à la belle histoire, celle qui nous tient fil serré, celle qui nous lie comme colle encore se sentir maillon d’un ensemble, dans la solitude.

La nuit, je collectionne les silences et les mots qui n’ont pas été dits, le jour.

La vraie vie est tailleur.

À raccommoder plaies, rapiécer âmes, découper rêves et filer doux…

Le désespoir n’est pas beau

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« Les plus désespérés sont les chants les plus beaux et j’en sais d’immortels qui sont de purs sanglots. » A. De MUSSET

Cette glorification romantique de la douleur, de la souffrance et du désespoir m’insupporte. C’est à cela qu’on nous élève, nous les lettrés, nous les apprentis écrivains, nous les nombrilistes, nous les vivants. A trouver que le désespoir est beau, sublime même, allons-y, même pas peur de l’hyperbole…

C’est facile de faire pleurer en appuyant là où ça fait mal, regardez comme je souffre, comme la vie est absurde, cruelle, misérable, admirez mes stigmates, touchez les plaies, vous pouvez même remuer le couteau ça n’en sera que plus beau.

Conneries…

Le désespoir n’est pas beau, c’est l’image sublimée, idéalisée, transformée par l’écriture qui peut paraître belle, la nuance est de taille. Je me reconnais dans la souffrance de l’autre et je la trouve belle, ce faisant, j’en fais un objet que je peux manipuler et, surtout, mettre à distance.

Il est si facile de vendre du désespoir : nous allons tous crever.

Rendez-vous dans votre librairie, votre bibliothèque, allez sur internet et regardez ce qui s’y publie. Faites le compte de tous les textes que vous qualifieriez d’optimistes puis celui de ceux que vous jugez « désespérés ». Vous trouverez peu d’ouvrages qui ne soient « désespérés » quel qu’en soit le degré. Aujourd’hui comme hier un « bon » écrivain est un écrivain qui souffre… Quels sont les écrivains qui ont choisi de consacrer leur œuvre à élever plutôt qu’à nous enfoncer un peu plus ? Il y en a bien peu. Et peu sont admirés. Ceux qui, au contraire, ont choisi d’appuyer là où ça fait mal sont légions, certains ont même beaucoup de talent. « Les plus désespérés sont les chants les plus beaux »… Vous avez déjà entendu le chant de celui qui souffre réellement ? C’est insupportable, ça n’est pas beau, c’est insupportable et ça te déchire l’âme…

Alors quoi ? Tu méprises les chants les plus désespérés alors que ce que tu écris toi-même on ne peut pas dire que ça soit franchement joyeux ?

Oui.

Et, bien souvent, je méprise ce que j’écris parce que ce n’est pas ce que je veux offrir au lecteur.

Ce texte s’autodétruira sans doute, il n’a pas d’autre but que de laisser ici une colère qui m’embarrasse.

C’est peut-être maintenant…

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Il n’y a pas de point d’équilibre, juste un avant, juste un après. Pas de moment à fixer accuser disséquer pointer. Pas d’observateur, pas d’observé, pas de circonstance favorable ou défavorable, pas de dieu, pas de démon… Un avant et un après.

Dis, c’est comment qu’on arrête les larmes ? Dis, c’est comment qu’on jette les armes ?

Tu ne sais pas pourquoi, ça n’a pas de sens, mais ça bascule et tu ne sais jamais quand ça va arriver, tu guettes, pourtant, tu cherches les signes, les faiblesses, les trahisons et le collier sans fin aux perles de hasard, et le rosaire infini des amours désunies… Tu as beau le savoir, tu restes à l’affut : c’est peut-être maintenant… Tu scrutes la vieillesse, le début de la mort, celui de la vie, la maladie. L’infidélité des bovidés, les statistiques de l’ennui et puis… les lignes de ta main résultats du tiercé accusé de réception sourire de la crémière stigmates des martyrs secrets du matin inventaire des créances et les espoirs toujours toi toi toi et puis moi c’est pareil et c’est même quête moulinesque… le sens de l’essentiel ? Parfois tu ris et c’est sourire mouillé. Parfois tu ris et c’est pudiques pleurs. On te remettra dans le droit chemin.

Pas de point d’équilibre, tu sais l’avant, tu sais l’après, dis, c’est comment qu’on arrête les larmes ? dis, c’est comment qu’on jette les armes ? Tu ne sais pas quand ça bascule et tu continues à te cogner contre les murs en espérant trouver une sortie dont tu devines parfois, sans vouloir trop y croire, surtout ne pas y croire, qu’elle n’est qu’une illusion. Tu sais bien, camarade, ces labyrinthes géants et les souris dedans, un morceau de fromage pour qui file bien droit et un choc électrique pour qui continue à cogner, à cogner, à cogner encore.

Boum. Boum. Boum.

Un instant c’est vivant et

Et mes doigts sont gourds

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Je tricote des mots pour passer l’hiver au chaud je ne dis plus il ou elle je dis je parce que c’est ce qui se rapproche le plus de moi avec des il et des elle j’avais froid imparfait alors ne pas laisser de trous dans le tissu tricoter serré présent la couverture du texte une maille à l’endroit pour tant de mailles à l’envers je tricote des mots pour passer l’hiver encore il n’y a plus

                                                                     hier ou demain et même si tu dis Léo que le bonheur c’est du chagrin qui se repose je sais que le bonheur vaut bien plus que trois mailles et que jamais c’est pas grand chose… et que JAMAIS c’est pas grand chose… si au moins ça peut tenir chaud c’est déjà ça… Béance dans la couverture de mots/Raccommoder l’absence, si c’est possible/N’est pas Pénélope qui veut et mes doigts sont gourds

Faut pas gêner les vivants, ça se fait pas

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Je sais qu’il est de bon ton de souffrir en silence, je sais qu’il est digne de crever sans dire un mot mais quand même…

La mort c’est pas doux, la mort c’est pas silence, la mort c’est même pas digne…

N’empêche, faut pas gêner les vivants, ça se fait pas, pas leur faire toucher la plaie béante, non, faut masquer, minimiser et rester positif, surtout, rester positif… même pas mal, même pas peur…

Je sais qu’il est grand le mystère de la foi, on me l’a assez répété, on me l’a assez dégueulé, je sais que l’espoir fait vivre, je sais que tant qu’on a la santé, on l’a et puis quand on l’a plus, la santé, la dignité on la jette avec le bébé et l’eau du bain mais on sait si bien faire semblant et depuis si longtemps… Faire semblant qu’on n’aurait même pas peur, même pas mal…

Mais la dignité, parfois, juste avant la mort, c’est la seule chose qui te reste, c’est vital, c’est ce qui te fait tenir debout encore, debout, c’est ce qui te garde humain encore un peu…

Je pense à tous ceux qui sont morts en silence, à ceux dont on ira demain fleurir les tombes en se rappelant à quel point ils ont été courageux, à quel point ils ont été dignes, même pas mal, même pas peur…

Dignes pourquoi ? Dignes de quoi ?

Jusqu’au bout, faire taire la douleur, jusqu’au bout brider la peur, jusqu’au bout faire passer les sentiments des autres avant les tiens pour les épargner, pour les conforter, laisser bonne mémoire, rester digne… C’est admirable et c’est affreux. Les deux.

Aujourd’hui, si tu veux laisser un bon souvenir à ceux qui te survivront, il te faut museler ton corps et ton âme, il te faut jouer la comédie du bon vivant, même à l’article de la mort, et père pardonne-leur ils ne savent pas ce qu’ils font…

Bien sûr que si ils savent ce qu’ils font, ils trouvent que ça pue la mort, et ils ont bien raison. Alors ils la fuient, alors il la déguisent, alors ils se foutent ouvertement de sa gueule parce que, pour le moment, ils sont bien vivants, eux…

Il n’y a rien à pardonner.

La mort ça pue et t’as le droit de te boucher le nez.

Lui dire le contraire, aussi

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« Est-ce qu’on doit croire tout ce qu’elle dit, l’église ? » me demande ma fille et moi de lui répondre, après quelques secondes de réflexion tout de même : « Hé bien, vois-tu, certains pensent que c’est nécessaire, d’autres estiment qu’on ne DOIT rien croire… » Elle insiste, la bougresse : « Mais alors, c’est comme les fours, l’église dit n’importe quoi comme les fours et les montres ? » Cette question me laisse perplexe… Putain de changement d’heure, essayez, vous, d’expliquer pourquoi diable une heure disparaîtrait de la surface de la terre… Pffffiout… Yapu… Mais alors tout le monde serait d’accord et on ferait tous comme si qu’il était pas deux heures mais une heure ? En même temps ? Tout le monde partout ils feraient semblant ? Et personne trouverait ça complètement délirant ? Et comment les ordinateurs et les téléphones ils le savent, eux, l’heure qu’il est, d’abord ?

Alors tu te lèves, tu sais pas quelle heure il est mais tu sais que tu vas enlever une heure à tous les appareils de la maison qui donnent l’heure et, vu comment t’es efficace au réveil, ça risque de te prendre une petite heure alors t’as pas vraiment gagné une heure, non ?

Lui dire que les heures ne se gagnent pas, pas plus qu’elles ne se gardent.

Lui dire le contraire, aussi.

Je suis un petit sapin

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Je suis un petit sapin accroché au rétroviseur d’une auto, les kilomètres défilent, les jours les mois aussi et je reste là, suspendu à un mouvement fixe, dix centimètres à gauche, dix centimètres à droite, trois petits tours et puis encore…

Je suis un petit sapin qui se balance au gré des tournants, les kilomètres défilent, les autos les jours l’émoi et je reste là, suspendu à un mouvement figé.

Je ne sais rien de la destination, je ne sais rien de la route, je ne sais rien de ceux qui m’accompagnent et la place du mort n’est jamais celle que l’on croit.

Je ne suis pas un roseau pensant, par la pensée je ne comprends rien, je suis un petit sapin qui se balance au gré du temps.